Il est difficile d’imaginer aujourd’hui que les festivals de musique sont nés il y a bien longtemps et pourtant les premiers, se sont déroulés, il y a plus de trois cents ans, tout au début du dix-huitième siècle, en Angleterre, la patrie de plusieurs autres formes de manifestation de la culture. En Europe continentale, la tradition des fêtes de la musique débute en 1772 et, vers le début du dix-neuvième siècle, la mode des festivals se développe dans plusieurs pays européens, à commencer par l’Allemagne. Il est intéressant de constater que parmi les organisateurs et participants actifs à ces fêtes de la musique on retrouve les noms de maints grands compositeurs : Spohr, Spontini, Mendelssohn, Rubinstein, Reinecke, Strauss, entre autres. Le célèbre Dictionnaire de La Musique de H. Riemann, dont la traduction en russe parut en 1904, remarque, avec une petite note d’amertume: « En Russie, notons-le en passant, ce phénomène est complètement inconnu, à l’exception de quelques régions nordiques dans l’Ostsee — à Riga, à Tartu et en Finlande ».
Effectivement, en Russie comme en France, les festivals de musique ne voient le jour qu’il y a quelques 50-60 ans. On situe le développement actif du mouvement festivalier au début du vingtième siècle mais il ne s’impose notablement qu’après la Seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, on peut constater l’existence de centaines si ce n’est de milliers de festivals dits — musicaux, parfois à juste titre, mais le plus souvent ne servant que de prétexte à rehausser l’importance d’une manifestation ne comportant qu’un ou deux concerts. Cependant malgré cette pléthore de manifestations musicales présentes dans chaque pays possédant un niveau culturel abouti, il existe des festivals-événements qui attirent l’attention des mélomanes du monde entier. Entrer dans ce cercle d’élus est une tâche difficile. Pour y accéder, de longues années voire même des décennies de travail acharné sont nécessaires. Pour qu’un festival devienne une véritable fête, pour qu’il jouisse d’une réelle notoriété, plusieurs facteurs doivent converger. A commencer par la programmation des concerts, la participation des grands artistes, dont les noms attirent un public averti, et la qualité des salles de concert. Mais, avant tout on devra disposer de moyens financiers, de gens compétents et dynamiques à même d’utiliser à bon escient les fonds levés. Si tel est le cas, les conditions seront réunies pour que le festival devienne une vraie fête pour tous, à commencer par les connaisseurs et mélomanes.
Au Annecy Classic Festival, organisé chaque année dans la petite mais charmante ville savoyarde d’Annecy, toutes ces conditions sont réunies. Tous ceux qui ont eu l’occasion de visiter Annecy au moins une fois, comprennent d’emblée pourquoi une des plus belles fêtes musicales actuelles se déroule dans ce joyau savoyard. Tout ici — et le lac d’une beauté majestueuse et les Alpes qui l’entourent, et les rues anciennes avec leurs demeures qui ont résisté à tous les assauts du temps, et les canaux qui ont valu à Annecy son nom de « Venise de la Savoie » — tout contribue à la création d’un décor unique propice à l’épanouissement d’un merveilleux écrin pour la musique classique.
L’histoire du Festival ressemble à un conte de fée. Fondé en 1967 par une grande pianiste française Eliane Richepin il ne constitue à l’époque qu’une manifestation musicale modeste à l’échelle locale: pas de grands noms sur les affiches, la majorité des artistes qui s’y produisent sont des enfants du pays, et le public, lui aussi, est constitué d’autochtones. Peu avant sa mort, la fondatrice du Festival en confie la direction à un de ses élèves et collègues pianiste Pascal Escande. Lequel reprend donc le flambeau. Pourtant, les difficultés financières s’accumulent, remettant en cause la pérennité du festival. C’est ici qu’un heureux hasard intervient: un entrepreneur russe du nom d’Andreï Cheglakov, jeune, cultivé et plein d’énergie, inventeur d’une Fondation créée pour l’encouragement des projets culturels, séjourne à Annecy. Peu de temps auparavant, il rencontre, en Suisse, et se lie d’amitié avec le pianiste russe de renommée internationale Denis Matsuev, une connaissance de Pascal Escande. C’est ce trio qui sauve le festival et lui apporte le souffle nouveau dont il témoigne aujourd’hui.
Ces enthousiastes transforment le Festival d’Annecy en une grande et prestigieuse fête de la musique. Malgré le challenge immense qui se présentait à l’origine il n’aura fallu que quatre années au nouveau Annecy Classic Festival pour atteindre la notoriété qui est la sienne actuellement. Aujourd’hui, parmi les festivaliers on côtoie des visiteurs Parisiens, Lyonnais, Genevois sans compter les ressortissants de plusieurs pays européens. Les mass-médias les plus en vue ont repéré le Festival et les concerts enregistrés in live peuvent être visionnés sur les grands portails et chaînes musicales de l’Internet.
Quelle est le secret de cette percée impressionnante ? Avant tout l’efficacité d’un partenariat sans faille établi entre Andreï Cheglakov, un grand mécène, sa Fondation et la direction du Festival. Après quatre éditions, Annecy Classic Festival (2010-2013) est déjà inscrit au palmarès des plus belles manifestations musicales d’Europe. Il est inimaginable (et d’ailleurs, totalement inutile, car chaque nouvelle édition permet de découvrir de nouveaux noms et d’élargir encore plus le diapason des manifestations festivalières) de dresser le bilan de ce qui a été mis sur pied. La création d’un Campus d’été pour les jeunes musiciens, les Master class de grands pédagogues, les concerts de jeunes talents au Château d’Annecy, tout ceci à côté d’une programmation riche et diversifiée donne au Festival un cachet unique et une audience sans cesse renforcée. Sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques grands noms liés à l’histoire des Annecy Classic Festivals: Iouri Temirkanov, Valeri Guerguiev, Charles Dutoit, Jean-Claude Casadesus, Vladimir Spivakov, Iouri Bachmet, Denis Matsuev, Nelson Freire, Nikolaï Louganski, Renaud et Gautier Capuçon, Julian Rachlin et tant d’autres.
A l’évidence, le Festival d’Annecy représente une sorte de « pont musical » solide entre la Russie et la France. Il a créé des liens et rapproche les deux pays et leurs peuples autour de la musique. L’histoire de ces rapports riches en évènements débute au 18e siècle. On se souviendra des spectacles d’opéra et de ballet français à la Cour Impériale à Saint-Pétersbourg, la tournée historique d’Hector Berlioz à Moscou, les Saisons russes de Diaghilev à Paris et beaucoup d’autres choses. Dans cette lignée, Annecy Classic Festival, coproduit par les Russes et les Français sur le sol de France, représente une nouvelle étape de ce dialogue culturel.
Notre site vous permettra d’admirer les images prises sur le vif lors de différentes éditions du Festival. Vous pourrez ressentir l’atmosphère unique que créent la nature, le lac, les canaux, les montagnes et l’architecture traditionnelle d’Annecy. Cette atmosphère inspire tout le monde — les musiciens aussi bien que le public. Si vous surfez sur l’Internet, vous pouvez aussi écouter des œuvres interprétées dans le cadre des Festivals à Annecy par de grands ou de jeunes musiciens venus de tous les pays du monde. Et, si vous suivez notre conseil, sans aucun doute, il vous apparaitra comme une évidence de participer de visu à cette belle manifestation.
C’est pourquoi, avant de nous quitter nous vous disons: A bientôt, au Festival d’Annecy !
Léon Guinzbourg